mardi 17 février 2009

Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme ...


... je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l’avortement.
Si tant de femmes ont pris le risque d'une lourde condamnation judiciaire, si tant de médecins ont eux aussi bravé la loi et en ont dit publiquement les raisons, c'est à n'en point douter que l'opinion a mesuré l'iniquité d'une législation ...

Extraits du discours de S. Veil devant le Sénat en décembre 1974




"Si tant de femmes ont pris le risque d'une lourde condamnation judiciaire, si tant de médecins ont eux aussi bravé la loi et en ont dit publiquement les raisons, c'est à n'en point douter que l'opinion a mesuré l'iniquité d'une législation qui n'a jamais atteint le but qu'elle poursuivait, c'est-à-dire empêcher les avortements. Il y a pour changer notre législation bien d'autres motifs que cette inefficacité. Des motifs si graves que bien peu à vrai dire souhaitent son maintien ou quoi encore son application possible.
Le premier motif, c'est l'inégalité insupportable des femmes devant une grossesse non désirée. Cette inégalité ressort, non seulement des statistiques judiciaires, ce sont toujours des femmes de milieu très modeste qui sont en cause, mais aussi, de ce que chacun peut constater aujourd'hui. Pour celles qui peuvent disposer d 'une somme suffisante combien l'angoisse et la solitude sont moins redoutables ? Combien cette épreuve, car c'est toujours une épreuve pour toute femme, est adoucit par la sécurité qu'offre une clinique en France ou à l'étranger ? Pour les autres qui n'ont trouvé aucune de ces filières illégales, mais médicales, ce sont alors les solutions bien connues, dont l'évocation est difficilement supportable, et qui les conduisent, au bout du compte, dans ces services hospitaliers occupés en permanence par celles qui ont eu recours à des procédés mutilants.

Quelques-unes payeront de leur vie ce geste de désespoir, et beaucoup d'autres seront atteintes d'une stérilité ou d'un handicap qui assombrira toute leur existence. Que la vie, que la santé, que les futures maternités d'une femme soient liées de la sorte à son niveau socioprofessionnel, c'est là une injustice insoutenable dont la majorité des citoyens est maintenant consciente et que nous ne pourrons plus tolérer parce que le sens de l'effort social contemporain est de réduire les inégalités devant la souffrance ou l'adversité."

Extraits du discours de S. Veil devant le Parlement en novembre 1974




"Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu’il perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ?
Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme - je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes.[Applaudissements sur divers bancs de l’Union des démocrates pour la République, des républicains indépendants, des réformateurs, des centristes et des démocrates sociaux et sur quelques bancs des socialistes et radicaux de gauche.] C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. C’est pourquoi, si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s’il admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme.
[...] Actuellement, celles qui se trouvent dans cette situation de détresse qui s'en préoccupe ? La loi les rejette non seulement dans l'opprobre, la honte et la solitude, mais aussi dans l'anonymat et l'angoisse des poursuites. Contraintes de cacher leur état, trop souvent, elles ne trouvent personne pour les écouter, les éclairer et leur apporter un appui et une protection. Parmi ceux qui combattent une éventuelle modification de la loi répressive, combien sont-ils ceux qui se sont préoccupés d'aider ces femmes dans leur détresse ? Combien sont-ils ceux qui, au delà de ce qu'ils jugent comme une faute, ont su manifester aux jeunes mères célibataires la compréhension et l'appui moral dont elles avaient grand besoin ? [Applaudissements sur les mêmes bancs]"

Le contexte

Le 26 novembre 1974, Simone Veil, ministre de la Santé au gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing présente son projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse devant l’Assemblée nationale. Modifier profondément la loi répressive de 1920 est urgent : chaque année entre 300 000 et 500 000 femmes ont alors recours à l’avortement clandestin ou se rendent à l’étranger pour se faire avorter, tandis que des médecins de plus en plus nombreux font part publiquement de leur pratique des IVG en toute illégalité. Ce discours et les débats qui l’ont suivi révèlent à la France entière une femme courageuse et déterminée, défendant à la fois la dignité de la femme et l’intérêt de la Nation, face à des parlementaires déchaînés y compris dans son propre camp. [d'après (Cojean, 2004)]

Sources
Cojean, A (2004). Simone Veil. Les hommes aussi s'en souviennent. Une loi pour l'histoire. Stock : Paris.
Tpe (2009). "Simone Veil, une femme engagée", in L'avortement, Tpe (travail personnel encadré), auteurs inconnus [site Internet ].e-monsite.com [http://tpe-histoire-avortement.e-monsite.com/rubrique,simone-veil-une-femme-engage,162824.html]
Veil, S. (1974a). Extrait du discours sur l'avortement de Mme Simone Veil à la tribune du Sénat, Paris, 13 décembre 1974
[vidéogramme, 2mn]. Archives Ina : Paris [http://www.truveo.com/Le-S%C3%A9nat-et-lavortement-Mme-Simone-Veil-parle-%C3%A0/id/2828921989]
Veil, S. (1974b). Extrait du discours sur l'avortement de Mme Simone Veil au Parlement, Paris, 26 novembre 1974
[vidéogramme, 2mn]. Archives Ina : Paris [http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/interruption/simone_veil_tribune-1.asp]

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